Rappel du premier message :Bonjour tout le monde
!
J'ouvre ce post pour vous raconter le passage de ma belle chez BikeColourRacing (Issoires) et pour apporter des réponses à ceux qui piétinent sur les problèmes d'injection de notre modèle. Comme (presque) tous les propriétaires d'XJR 1300 post-2006, j'ai moi-même rencontré après l'achat un certain nombre de soucis avec le système d'injection. Lorsque j'ai eu ma blanche (un modèle 2008 avec 30.000kms), j'ai constaté, pêle-mêle :
- un ralenti très irrégulier
- des calages au feu rouge ou au stop
- des coupures moteur intempestives après certaines décélérations
- un mauvais vouloir général du moteur
- des démarrages poussifs par températures très basses
- des redémarrages à chaud très difficiles l'été
- une injection brutale donnant des à-coups
- un filet de gaz impossible à tenir
- des trous à l'accélération
- des pétarades à la décélération
etc...
Je suis donc parti du principe que ce vieux moteur à carbus avait dû être tellement appauvri lors de la greffe de l'injection pour passer les normes antipollution qu'il fallait commencer par le libérer un peu. Je précise que ma moto est équipée d'un silencieux adaptable (Delkevic) non catalysé et que de fait, il n'y avait pas de problème de ce côté là. Dans un premier temps, donc, j'ai :
- supprimé le vilain restricteur d'air à l'entrée de la boîte à air
- réglé le TPS sur 16 (attention, d'origine il est réglé par YAM sur 15, mais il est placé ensuite sur 16 lors de l'opération de rappel. Petits malins, va...)
- porté tous les CO à 16
... et testé.
On ne va pas faire durer le suspens : j'ai constaté un vrai mieux. J'ai donc continué d'affiner mes réglages CO petit à petit, jusqu'à trouver les valeurs apportant le comportant moteur le moins insatisfaisant : dans mon cas, 26-27-27-26 sans KN ; puis après l'adjonction d'un KN, 27-28-28-27. Notez que les deux cylindres du milieu sont un point plus riches pour compenser leur moins bon refroidissement. J'ai donc
considérablement enrichi mon mélange (c'est important de le retenir pour la suite).
Avec ces réglages, j'ai réussi à supprimer 50% des problèmes rencontrés et l'agrément général du moteur a fait un réel bon en avant : accélérations et reprises plus franches, gaz libérés, souplesse accrue, etc. Il faut dire qu'avec le réglage d'origine des CO (-7, 3, 6, 16), c'était tout simplement la cata... Quelques semaines plus tard, un réglage du jeu aux soupapes, une synchro et le changement des quatre bougies ont encore un peu amélioré les choses : là, la moto commençait à devenir agréable à conduire.
Restait que malgré cette belle progression, j'avais toujours la sensation d'avoir une moto qui respirait pas trop mal en haut du compte tours mais qui s'étouffait sous les 5000 trs, de traîner un trou à bas régimes et d'avoir un ralenti pas génial. Ne pouvant rien faire de plus par moi-même (et bien décidé à tirer le meilleur parti de ce moteur fabuleux), j'ai pris rdv chez Philippe, le patron de la société de préparation moteur (et chassis) BikeColourRacing, et lui ai amené ma belle.
J'arrive donc chez BCR le 10 janvier dernier au matin, trempé et glacé (allez faire 330kms en traversant le Massif Central en moto au mois de janvier, vous m'en direz des nouvelles...). Le boss rentre la machine (recouverte de sel suite aux 40 kms faits derrière les déneigeuses dans le massif du Sancy
) et s'attèle à la tâche. Il démonte la moto pour y brancher le Power Commander V. L'opération est longue et fastidieuse, mais un montage de qualité professionnelle est un préalable indispensable.
Arrive l'heure de la pause repas. L'occasion pour moi de poser toutes mes questions au boss sur l'injection en général et sur celle de la XJR en particulier. Il faut dire que sur le sujet, Philippe est incollable. Non content de préparer et de régler de A à Z les motos de nombreux teams de courses, il a lui-même conçu et réalisé une XJR sortant 158cv... à la roue !
"Aujourd'hui, tout le monde sait tout sur tout, regrette Philippe. C'est pire depuis que les forum existent. Chacun a son avis sur tous les sujets et raconte n'importe quoi. Préparateur, c'est un métier ; ça ne s'improvise pas. Pour bien travailler dans ce domaine, il faut du gros matériel, beaucoup de connaissances et une vraie expérience. Comme on est dans un métier où l'argent est facile à gagner, beaucoup en profitent et font n'importe quoi. Résultat : les clients reviennent mécontents et vont crier partout que la préparation moteur, c'est de la merde ! Moi je ne brade pas mon savoir-faire. Mes prépas ne sont pas cadeau. Mais tous mes clients sans exception sont satisfaits et quand ils reviennent, c'est pour me remercier d'avoir transformé leur bécane !".
Le cadre est posé. Et il est clair que le Sorcier (c'est son surnom dans le milieu) est incollable sur son sujet. J'ai ainsi découvert que contrairement à une idée très répandue, l'adjonction d'une ligne ou d'un silencieux plus libre que l'origine enrichit le mélange, et que par conséquent, il ne faut pas enrichir derrière mais appauvrir un peu
.
De même pour la valve à l'échappement, présente sur beaucoup de modèles. "Elle favorise réellement le couple. Ce n'est pas un argument marketing. Si on l'enlève, on perd automatiquement du couple. C'est une bête question d'onde dans l'échappement. Sur piste, elle ne sert à rien puisque les mecs sont tout le temps dans les tours. Sur route par contre, il ne faut surtout pas l'enlever".
Surprise encore sur le réglage des motos en général. "Il est impossible de régler correctement en série un modèle de moto. Chaque moto est unique, c'est comme un corps humain. Les machines qui sortent des chaînes n'affichent pas les mêmes performances et c'est normal : le réglage usine sera à peu près bien adapté à l'une, et beaucoup moins à l'autre. La faute, entre autre, aux tolérances constructeurs, mais aussi à une multitude de facteurs".
Etonnement toujours sur le fonctionnement de la sonde lambda. "La lambda ne fonctionne que jusqu'à 4000 trs et 20% d'ouverture des gazs. Après, elle est inopérante. Sur la XJR, en plus, elle n'a que 2 malheureux fils, contre 7 sur les modèles récents, ce qui la rend de toute manière très peu efficace."
De retour à l'atelier, Philippe achève de remonter ma moto. "On va pouvoir procéder au réglage, explique t'il. J'ai monté le PC5, neutralisé la sonde lambda et viré l'antipollution qui se trouve en sortie des cylindres".
Le boss installe la moto sur le banc, la sangle solidement, place les tuyau d'arrivée et d'évacuation d'air, plonge l'analyseur de gazs dans le silencieux et connecte le PC5 à l'ordinateur. Sur l'écran, un tas de chiffres et de manomètres digitaux s'affichent. "On est prêts à commencer".
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Le rouleau du banc se met à tourner sous l'action de la roue. La moto rugit, monte dans les tours, redescend, remonte... Dans l'atelier, nous portons des protection auditives. Sans elles, on ne pourrait pas tenir. Assis sur la moto, Philippe extrait les données avant modification pour diagnostiquer le problème. Régulièrement, il contrôle la température du moteur grâce à un thermomètre infra rouge afin d'éviter la surchauffe.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]"Les hauts régimes sont presque parfaits", conclut-il après le premier tir. "Par contre en bas et au milieu, c'est trop riche donc la moto engorge, hésite, cale, se noie, etc..". Patiemment, Philippe se met à régler le ratio air/essence à tous les régimes et à toutes les niveaux d'ouverture des gaz. "En usine, les injections sont réglées en 3 tranches : 0 à 40 %, 40 à 70%, 70 à 100%" (NB : chiffres donnés de mémoire. Je ne suis pas sûr de leur exactitude). "C'est à la louche. Moi je vais régler par tranches de 5%. Le but est que le rapport air/essence soit parfait partout".
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]A 17h, la moto quitte le banc. C'est l'heure du verdict. "Il n'y avait quasiment rien à gagner en puissance pure puisqu'on était bien réglé en haut. Là, on a pris 2cv. On est à 100cv à la roue, 112cv au moteur et à 10,8 mkg de couple. Par contre en bas et au milieu, les réglages ont été complètement revus".
Je suis positivement surpris. Pour une moto donnée par le constructeur à 98ch au moteur (soit environ 86cv à la roue), c'est 14cv de gagnés entre la suppression du catalyseur, la pose d'un filtre KN et un (fort) enrichissement en essence (souvenez-vous de mes valeurs CO, qui se sont donc révélées bonnes... à haut régime, mais clairement trop riches en bas et au milieu).
Je suis impatient d'essayer. Vu que je ne fais pas de circuit avec mémère, je ne venais pas pour gagner de la puissance mais pour avoir un moteur plein partout, avec une réponse parfaite à tous les régimes et supprimer les problèmes d'injection. Philippe a t'il réussi son coup ?
Je reprends la route et... OH MY GOD
!!! La XJR est MECONNAISSABLE. Pleine comme un oeuf, elle répond à la moindre sollicitation du poignet droit. Du couple partout. Les reprises sont un régal, la souplesse est à peine croyable et les accélérations n'ont plus rien à voir avec celles que je connaissais. L'aiguille monte à l'assaut de la zone rouge avec une facilité déconcertante et je ne vous parle pas du son de l'échappement
. Gaffe sur le mouillé d'ailleurs, car il n'y a plus aucun temps mort entre la rotation de la poignée et la réaction de la machine. Depuis ce réglage aux petits oignons, par ailleurs, les problèmes d'injection appartiennent au passé. Cerise sur le gâteau, elle consomme moins. C'est 100% réussi !
"Prends deux motos neuves identiques, m'expliquait Philippe. Même modèle, même puissance, entièrement stock. Deux R1 par exemple. Tu règles l'une comme on vient de le faire et tu laisses l'autre d'origine. A là première accélération, la version d'origine se prend 100m. Pareil en reprise et pour tout le reste. Ce n'est pas tellement la puissance qui change mais la vitesse à laquelle le moteur prend ses tours ; la manière dont il réagit ; le temps qu'il met à répondre aux sollicitations du pilote. Les gens ne se rendent pas compte de ce qu'apporte une cartographie individualisée au banc. Ils n'imaginent pas qu'on puisse complètement transformer la réponse de leur moteur..."..
On peut aujourd'hui affirmer, tables dyno à l'appui, que le réglage d'injection de nos XJR est à la fois trop riche et trop pauvre selon les régimes, ce qui occasionne les problèmes que nous connaissons. La cartographie d'origine
, la sonde lambda à 3 francs
et le système anti-pollution font que même en trouvant un compromis acceptable en jouant sur le réglage des CO, l'agrément général restera toujours à des années lumières de ce qu'il devient une fois la moto passée entre les mains d'un spécialiste. Reste que cela a un coût. Personnellement, je ne regrette absolument pas les 600 euros déboursés et les 660 kms faits dans des conditions épouvantables tant le résultat est bluffant. Je ne saurais par conséquent qu'encourager les propriétaires de versions injection à sauter le pas, car c'est vraiment un investissement qu'ils ne regretteront pas.
V à tous !